La couleur dans le vitrail du XIIème au XVIème siècle (d'après Louis Grodecki)
« Le vitrail peut être considéré comme un art de la couleur pure. »
1 / la composition chimique :
Les colorants et matières premières employés à différentes époques.
Composition chimique des colorants : Etudes de Léon Appert (1896) et de Georges Chesneau (1914)
# Matières = elles sont très nombreuses et variées. La qualité du verre influe sur l'effet coloré des vitraux.
# Les colorants minéraux sont à base métallique ; les seuls qui pouvaient servir à la fabrication du verre coloré dans la masse, puisqu'il fallait les mélanger à la silice pendant la fusion.
# Bleu = protoxyde de cobalt, oxyde manganèse, bioxyde de cuivre, oxyde de fer.
# Jaune = sesquioxyde de fer et de l'alumine.
# Rouge = oxydule de cuivre / ou manganèse.
# Difficulté = l'identification du colorant car les matières employées sont déjà impures et chargées d'oxydes métalliques.
# On utilisait souvent des matières de remploi : le bronze ancien passé au feu....
Composition chimique des matières premières :
# 12-13ème siècle = silice des sables de rivière (composition chimique très inconstante) + potasse (cendres de bois) = verre très dur et très irrégulier.
# Vers 1250-1260 = emploi de plus en plus fréquent de sables marins chargés en sels et en soude = les verres deviennent plus égaux, plus purs et plus mous.
# On n'utilisera plus que la soude > changement de la luminosité et de la transparence des verres.
2 / les propriétés physiques de la lumière colorée :
Physiologie de la vision > répercussion psychologique de ces phénomènes.
# Bleu = couleur envahissante (transmet une grande quantité de lumière).
# Violet = encore plus rayonnant (peu utilisé).
# Rouge = peu rayonnant > couleur filtrante. Apparaît noir à côté des bleus pour des verres de même épaisseur. Pour cette raison on invente le placage du verre rouge dès la première moitié du 12ème siècle pour l'utiliser en couches plus fines.
# Soleil frappe = les rouges exaltent / les bleus se décolorent.
# Lumière du crépuscule = rouges sont noircis/opaques et les bleus et verts sont puissants.
# On trouve souvent les verrières bleues et froides dans les fenêtres nord de l'église et les verrières à dominantes rouge et jaune dans les fenêtres sud.
# Fenêtres mal exposées = utilisation des bleus alors que les rouges sont peu nombreux.
# Rayonnement des couleurs = faculté inégale = mélange avec les tons voisins. La couleur la plus rayonnante influe sur la moins rayonnante. Si l'on veut opérer un contraste entre deux couleurs, il sera préférable d'intercaler un filet blanc ou jaune qui sera estompé de loin (mangé par le rayonnement). Ceci est utilisé dans les bordures ou dans les fonds.
# On a aussi cherché l'égalisation par le mélange : un bleu à côté d'un rouge avec une intensité calculée.
# Utilisation fréquente des bleus dans les fonds = ils paraissent être en arrière plan = illusion de profondeur. Bleu et vert = toujours plus éloignés. Rouges et jaunes sont plus proches.
3 / l'évolution de la gamme colorée / utilisation et répartition :
# 12/13ème siècle = l'harmonie des tons repose sur l'utilisation des bleus. Bleu = couleur de lumière (non le blanc qui « troue ») ; utilisation du bleu comme valeur claire.
# Après 1200 = de moins en moins de liserés blancs entre les couleurs vives -> inutilisés après 1230-1240.
# 1260-1270 = les blancs réapparaissent accompagnés de grisailles au côté de la gamme colorée qu'il faut donc ajuster. Éclaircissement de la gamme et découverte du jaune d'argent début XIVème -> abus du jaune d'argent au XV et XVIème.
# Utilisation de la peinture = réglage des transparences et des harmonies (en plus de la représentation figurée).
# 12/13ème siècle = couche de peinture opaque sur des filets blancs puis enlevage en grattant (ornementation, filets perlés). Sur de grandes pièces = trois couches (opaque / demi-teinte / très légère) = utilisation pour la figuration (technique du cerné et du réglage des transparences).
# Après 1260 = teintes couvrantes sont remplacées par des hachures. Utilisation jusqu'à la Renaissance [invention des couleurs-émaux (application sur verre blanc)].
# Peinture sur verre = réglage de l'échelle de la vision. Modification du vitrail avec l'éloignement. Disparition de petites parcelles colorées, notamment des modelés absorbés par des parties sans peinture.