Le sauvetage des vitraux de la cathédrale de Reims
- Date de parution :
Article provenant du journal hebdomadaire "L'ILLUSTRATION" n°3914
Le 9 mars 1918
LES VITRAUX DE REIMS
Les vitraux précieux de la cathédrale de Reims presque tous du treizième siècle, garnissaient les verrières hautes de la nef et de l'abside, ainsi que l'admirable rose de la grande façade occidentale.
Rassemblement et classement des fragments de verrières sur le pavé de la cathédrale
Ce merveilleux ensemble était insuffisamment connu à cause de l'épaisse couche de poussière qui masquait les verres et ne permettait de les juger d'en bas que dans des jours d'éclairage exceptionnels. Cependant, plusieurs verrières de l'abside, ainsi que la grande rose avaient été, durant ces dernières années déposées et nettoyées par simple lavage à l'eau puis remontées en plomb neuf pour en assurer la conservation. Les vitraux ainsi remis en état étalaient les splendeurs de leur coloration ancienne qu'adoucissait la patine du temps fortement imprimée dans les verres. Ce nettoyage et cette consolidation se poursuivaient d'année en année quand ils furent interrompus par la brutale intervention allemande.
L'incendie des combles de la cathédrale par les obus allemands, le 19 septembre 1914, atteignit cruellement les précieuses verrières et les dégâts en furent grandement aggravés par les bombardements que les barbares dirigèrent ensuite à plusieurs reprises sur l'édifice.
L'examen d'un panneau reconstitué
Cependant la, question du sauvetage des vitraux était particulièrement délicate : c'est par l'extérieur que la pose et la dépose des panneaux de vitraux s'effectuent ; or on ne pouvait songer à entourer, surtout dans ses parties hautes, un édifice situé à 3 kilomètres des lignes allemandes, des échafaudages nécessaires à la manipulation de panneaux en un tel état de vétusté.
Elle fut cependant résolue, grâce au concours d'une petite équipe de sapeurs-pompiers de Paris et de deux ouvriers verriers, véritables acrobates qui, en grimpant aux armatures de fer des grandes verrières, à des hauteurs vertigineuses, allèrent cueillir sur place tout ce que le bombardement avait épargné.
Juxtaposition des panneaux pour la reconstitution d'un vitrail sur les dalles
Quoique exécuté dans des conditions aussi périlleuses, et seulement à l'aube où par des temps brumeux, ce travail fut assuré avec les précautions nécessaires pour qu'aucune chute ne vînt aggraver les dégâts. Tous les panneaux étant aussitôt recueillis sur des formes de bois et les morceaux branlants consolidés par des bandes de toiles collées.
Sous la direction de l'architecte des Monuments historiques et du peintre verrier de la cathédrale, tout ce qui put matériellement être recueilli sur place ; aux voûtes et sur le sol, fut méthodiquement classé, rassemblé et mis en caisses numérotées, puis expédié en lieu sûr.
Mise en caisse des panneaux numérotés
Ce pieux travail, poursuivi pendant près d'une année malgré le bombardement, nous aura conservé une partie importante des vitraux anciens de la cathédrale de Reims : plusieurs verrières entières, parmi lesquelles les plus belles de la nef ; d'autres, pour des parties plus ou moins grandes de leur surface ; d'autres, enfin, criblées de mitraille dans des proportions de sauvetage qui permettent d'espérer leur reconstitution à l'aide des documents précis, dessins ou photographies que l'on possède.