Verre, peau inquiète
78 vitraux pour les Petites Sœurs des Pauvres à Montpellier
Un projet architectural ambitieux, la construction d'une nouvelle église, a vu récemment la collaboration du verrier contemporain Carlo Roccella avec le cabinet d'architecture Carta-Triacca de Marseille.
L'architecte était à la recherche d'une approche unificatrice pour cet édifice en forme d'œuf : l'église des Petites Sœurs des Pauvres à Montpellier, point d'orgue de la réhabilitation d'un vaste complexe de résidences de retraite.
L'église, ouverte sur la ville, est conçue sur trois niveaux (nef, tribune et oratoire) tous les trois de forme ovale, imbriqués les uns dans les autres. De conception très sobre, elle demandait une lumière franche, capable d'animer les 78 baies d'une vibration commune sans toutefois devenir le point focal du regard.
Carlo Roccella a alors proposé un traitement essentiel, comportant de grandes surfaces de verres float thermoformés sur moules éphémères, satinées d'une fine opaline blanche à la limite de la transparence et rehaussées de graphismes aux jaunes d'argent. L'aspect évoque de loin des balafres de lumière, des formes organiques dorées sur un fond d'une brume légère mais inquiète.
C'est en s'approchant qu'on comprend la cause du mouvement qui paraît animer la blancheur des verres. En effet, chaque surface a été comme burinée, grêlée, sillonnée, d'abord sur peinture humide, ensuite à sec, d'une foule d'enlevés, balayages, projections et arrachages tout à fait gestuels, improvisés à l'intérieur d'un protocole établi par l'artiste.
Il en résulte un réseau dense de brillances où par endroits, dans une deuxième cuisson, sont venus se loger les motifs au jaune d'argent.
Travaillés comme autant de toiles indépendantes, mais dans un esprit condensé et cohérent, les 78 vitraux habillent l'architecture comme une deuxième peau, paisible mais frissonnante. L'étanchéité et l'isolation sont assurés par un montage des vitraux en double vitrage sur châssis aluminium car, ne l'oublions jamais, le vitrail est un art architectural qui se doit de répondre aussi aux contraintes techniques d'un édifice destinés aux humains en chair et en os.
Après la création, en septembre 2008, de l'ensemble des vitraux contemporains, d'un esprit totalement différent, de l'église Saint. Bruno à Issy-les-Moulineaux, Carlo Roccella signe au mois de décembre cette ambitieuse réalisation, avant de s'attaquer, au printemps 2009, à la création des 12 baies de l'église Saint-Martin-de-Pézenas (XIII siècle), un bijou du gothique languedocien.
Entreprise : Vitrail Architecture
Carlo Roccella